NÉOLITHIQUE, ANTIQUITÉ, HAUT MOYEN-AGE
La fouille du site du Pech Tardieu à Vinassan (Aude) a été réalisée préalablement à l’aménagement d’un parking autoroutier dédié aux poids-lourds. La prescription de fouille a été motivée par les résultats du diagnostic archéologique mené par l’INRAP (Ginouvez et al. 2009).
Près de 13 000 m² ont été décapés et 410 structures ont été identifiées. Parmi celles-ci, 37 sont des fossés et près de 300 correspondent à des fosses (majoritairement des silos), dont la fouille a été échantillonnée et mécanisée. Toutefois, les 38 sépultures reconnues ainsi qu’une quinzaine de structures plus complexes ou atypiques ont été fouillées systématiquement. Ces structures sont réparties sur quatre secteurs. L’un se situe le long de la rive gauche d’un ancien ruisseau (Ru de Mader) dont le tracé est repris par un fossé agricole. Les autres longent la rive opposée et permettent d’observer les limites septentrionales d’une ancienne zone humide en contexte alluvial. Bien que l’étude du site soit toujours en cours (analyses paléoenvironnementales, études de mobilier et datations radiocarbones), plusieurs phases d’occupation sont d’ores et déjà perceptibles.
Une occupation néolithique modeste
Les structures les plus anciennes correspondent à un
groupe a priori isolé de fosses néolithiques (vérazien ?)
qu’il faut probablement rapprocher de celles observées
plus au nord lors du diagnostic. Aucun vestige faisant
suite à cette occupation n’a pu être identifié (absence
totale de témoins liés à la Protohistoire).
Des témoins marginaux d’un vaste établissement rural
antique
Une deuxième grande phase d’occupation se rapporte
à l’Antiquité lato sensu. La période tardo-républicaine
est essentiellement matérialisée d’une part, par
au moins trois larges fossés situés dans la partie
occidentale de l’emprise étudiée et d’autre part, par
une grande fosse de forme et de fonction indéterminée,
associée à d’autres fosses situées à proximité.
Durant le Haut-Empire, les vestiges agricoles
semblent moins abondants et se résument à un petit
bassin, quelques fossés de moindre importance et
deux fosses dépotoirs. En revanche, un monument
funéraire situé à l’extrémité méridionale de la zone
de fouille semble se rapporter à cette période (fig.).
Il s’agit d’une petite construction parfaitement carrée
de 6 m de côté dont ne subsistent que les fondations.
Néanmoins, les témoins d’une crémation antérieure à
son édification ont pu être observés à l’intérieur de ce
monument. Le dépôt secondaire des restes du défunt
et du mobilier funéraire a été observé dans une petite
fosse recoupant la zone du bûcher. A proximité de cet
édifice, une urne calcaire renferme les restes d’une
crémation. Le mobilier associé permet également de
rattacher cette sépulture au Haut-Empire.
A ce jour, peu d’éléments paraissent illustrer une
continuité de l’occupation au-delà du Ier s. et ce jusqu’à
la fin du IIIe, voire du début du IVe s. ap. J.-C. Citons
cependant la présence de mobilier issu du niveau
recouvrant le dérasement des murs du monument
funéraire. Ces éléments proviennent vraisemblablement
de sépultures bouleversées par des travaux agricoles
récents. Enfin, une sépulture orientée nord/sud, jouxte
le parement oriental de l’édifice. Bien que le mobilier
issu de cette tombe soit très fragmenté, il semble
qu’elle appartienne également à cet horizon tardif.
C’est au Bas-Empire qu’apparaît une nécropole
(19 sépultures reconnues) se développant à l’est du
monument funéraire, le long de l’ancien ruisseau de
Mader. Sauf exception, les sépultures sont orientées
et présentent une architecture très variée mettant en
œuvre des coffrages de pierre, de bois ou de tegulae
ainsi que des cercueils ou des amphores pour les
immatures. Le mobilier associé est assez abondant
avec parfois des coquillages, le plus souvent empilés
au niveau des membres inférieurs, et des coupes et
vases disposés autant à proximité du crâne que des
pieds. Les vestiges non funéraires du Bas-Empire
paraissent peu abondants dans le périmètre de fouille.
Citons toutefois un ensemble associant une grande
fosse peu profonde dans laquelle a été aménagé un
foyer en relation avec un tronçon de mur.
Globalement, la majorité des vestiges antiques
reconnus semblent correspondre à l’environnement
proche d’une importante exploitation agricole et à
ce titre, il parait important de mentionner la présence
d’une villa gallo-romaine découverte plus à l’ouest par
Max Guy en 1945 et mis en évidence par une récente
fouille préventive (Leroy et al. 2009). Le monument
funéraire découvert pourrait alors à la fois matérialiser
la limite méridionale de ce domaine et illustrer le statut
de l’élite dominante, tandis que la nécropole plus
tardive jouxtant l’édifice, pourrait refléter l’existence
d’une petite communauté rurale en relation avec cet
établissement.
Une occupation à vocation essentiellement agricole de
la fin de l’Antiquité et du haut Moyen Age.
La fin de l’Antiquité voit la reprise des aménagements
agricoles (fosses et fossés) mais aussi l’émergence
de structures plus complexes, tel que des petits
fours domestiques excavés, parfois associés à des
creusements plus larges (voir illustration) ou de grandes
fosses quadrangulaires à une ou deux parois bâties. Ces
dernières, attribuables tant à la fin de l’Antiquité qu’au
haut Moyen Age sont plus délicates à interpréter et
s’apparentent à des caves ou des espaces de travail.
Une seconde nécropole longeant la rive droite du ruisseau de Mader apparaît vraisemblablement dès la fin
de l’Antiquité sans qu’une continuité de fonctionnement
avec la nécropole précédente ne puisse être attestée.
Il s’agit d’un petit ensemble de 17 sépultures orientées
et particulièrement mal conservées. Elles s’illustrent
cependant par une relative unité architecturale avec
une majorité de coffres de pierres mais également
un probable cercueil de bois et plusieurs sépultures
d’immatures en amphore. Les variations observées
concernent la présence ou l’absence de fond empierré
et/ou de dalles de couverture. Les seuls éléments datant
de cette nécropole sont une amphore orientale, (fi n Ve -
première moitié VIe s. ap J.-C.) contenant les restes d’un
immature, une fiole en verre (Ve-VIIe siècles) et une plaque
boucle en alliage cuivreux caractéristique du milieu du
VIIe siècle. Il est cependant délicat d’estimer la durée de
fonctionnement de cet ensemble sur la seule présence
de ces témoins.
La période carolingienne et post-carolingienne correspond
à l’aménagement de grandes fosses (jusqu’à 7 mètres de
diamètre pour une profondeur conservée de plus d’1,5
mètre). Ces structures sont le plus souvent associées
à des petits fours circulaires creusés dans les parois
de la fosse principale. Les réfections, remaniements et
purges successives de ces structures, souvent associés
à un comblement massif et rapide, ne permettent
pas de dégager un plan type associant un volume de
l’espace de travail initial au(x) four(s) excavé(s). Il est
également impossible d’estimer si plusieurs fours ont
pu fonctionner de façon concomitante ou au contraire,
s’ils sont aménagés au fur et à mesure de la dégradation
des précédents. De fait, les éléments permettant
l’interprétation de ces structures et l’appréhension de leur
modalité de fonctionnement sont le plus souvent absents.
Elles se répartissent sur l’ensemble du tènement étudié
et semblent exercer sur les structures de stockage, une
forme « d’attraction » autour d’elles. Notons que les silos
semblent se développer considérablement durant cette
période et qu’ils sont les derniers vestiges de l’occupation
du site jusqu’à la mise en culture récente du tènement.
L’absence sur le site ou à proximité, de témoins reconnus d’habitat associés à cette phase d’occupation ne peut être imputable aux conditions de conservation puisque la plupart des structures peu profondes sont conservées. Ainsi, si pour les périodes précédentes il est possible d’intégrer les vestiges au sein d’une trame territoriale, l’organisation de l’espace dès la fin de l’Antiquité et durant le haut Moyen Age parait plus difficile à percevoir.
Arnaud GAILLARD
pour l’équipe Sarl ACTER
Le monument funéraire antique et son dépôt