Bulletin de 2016 - Tome CXVI
TABLE DES MATIÈRES
Conseil d’Administration et Bureau
Conseil d’Administration / Liste des Membres
- Les bryophytes Alain Gaston [1]
- Catalogue des monnaies du Musée de Carcassonne (Aude)
V - Monnaies en argent de l’Empire Romain Jean-Claude Richard Ralite
- Une structure de cuisson de poterie d’époque gauloise à Fontcouverte (Aude) Régis Aymé, Stéphane Durand et Guy Rancoule [2]
- Le castrum de Cabrespine (Aude) Recherches archéologiques 2011-2016 : premiers résultats Marie-Elise Gardel [3]
- La maison de Bérenger Mage, viguier de Lagrasse au XIIIe siècle,
et son plafond peint armorié Gauthier Langlois, Julien Foltran et Jean-Pierre Sarret [4]
- Le couvent des Augustins de Limoux (XIVe-XVIIIe siècles).
Nouvelles données historiques Charles Peytavie et Julie Grassin Delyle [5]
- Des images médiévales domestiques au cœur de la bastide Saint-Louis de Carcassonne : étude d’un plafond peint du XVe siècle retrouvé dans la rue de Verdun Hugo Chatevaire [6]
- Entre métier et dévotion. La confrérie Sainte-Croix des tondeurs de draps de Narbonne (XVIe siècle) Claude-Marie Robion [7]
- Le domaine de Villemartin (Gaja-et-Villedieu), un espace toujours en évolution (XIIIe - XIXe siècles) Blandine Allabert-Sire et Marie-Chantal Ferriol [8]
- Industries du Lauragais Audois (XIXe- XXIe siècles) Claude Marquié [9]
- De la seigneurie au grand domaine agricole, l’exemple de Celeyran à Salles-d’Aude (1793-1883) Michel Cau [10]
- Le renouveau du couvent des Carmes de Carcassonne 1850-1880 Marie-Chantal Ferriol [11]
- Le maquis de Villebazy (1943 - août 1944) Blandine Allabert Sire et Manon Alins Carbonnel [12]
- La maison de Bérenger Mage, viguier de Lagrasse au XIIIe siècle et son plafond peint armorié par Gauthier Langlois, Julien Foltran et Jean-Pierre Sarret
- La fin du Second Empire et les débuts de la Troisième République dans l’Aude par Bernard Bonnery [13]
Notes et comptes rendus
- Groupe botanique : compte rendu d’activité pour l’année 2016 par Dominique Barreau.
- Données phytosociologiques collectées lors des sorties du groupe botanique durant l’année 2016 par Bruno de Foucault.
- Notes d’archéologie :
Argens. Les Agals
Azille. Les Bonnes
Comigne. La Comelle
Claude-Bosc
Douzens. Robert
Fabrezan. Fountas
Ferrals des Corbières. Le Quadega
Fontcouverte. Chemin de Moux Les Cazals
Homps. Pont d’Ognon
La Redorte. La Vinasse
Malviès. Carbonnel
Marcorignan. Les Bergères
Montbrun. La Nicolo Viste d’Escale
Moux. L’Azagal-est
Paraza. Ruisseau de Crabido
Pieusse. La Barque, ou Les Gaffous
Pomas. La Lagaste-Sud, Plaine riveraine de l’Aude
Rouffiac d’Aude. La Plaine
Saint-Hilaire d’Aude. Chemin de Pech
Saint-Laurent de la Cabrerisse. Parazols
Villasavary.
- Notes de numismatique
Médaille décernée au directeur de l’Assistance publique de l’Aude
Au temps de l’Orphéon de Narbonne
Médaille du bicentenaire de l’introduction du mouton mérinos en France.
- Note d’histoire
André David : de la Montagne Noire aux Vosges.
- Notes de lecture.
- Liste des ouvrages reçus.
- Liste des revues reçues dans le cadre des échanges.
- Comptes rendus des séances mensuelles.
[1] Les bryophytes occupent, depuis longtemps, de nombreux milieux sur la terre. Souvent de
très petite taille, elles passent inaperçues. Cependant, elles jouent un rôle non négligeable dans la biodiversité, comme bio-indicateur et dans le stockage du carbone.
[2] Entre autres vestiges, une fouille de sauvetage a mis au jour, sur la commune de Fontcouverte, une structure de cuisson enfouie, utilisée par un potier de la fin de l’époque gauloise. Elle semble avoir été prévue pour cuire des jarres tournées, en céramique grise, et quelques autres formes culinaires. Par rapport aux fours connus dans notre région à cette époque, elle présente quelques caractéristiques particulières, notamment dans sa construction, les parois étant entièrement constituées de fragments de panses d’amphores italiques, mais aussi son fonctionnement, l’absence de foyer extérieur laissant place à diverses hypothèses.
[3] Nous présentons dans cet article les résultats des recherches archéologiques effectuées de puis 2011 sur le castrum de Cabrespine et son contexte, notamment les fouilles programmées effectuées dans un quartier périphérique, où l’hypothèse d’une activité artisanale liée à la métallurgie vient de se confirmer.
[4] Dans les années 1270 les Mage, une famille bourgeoise en cours d’intégration à la noblesse, se fait construire une riche maison à Lagrasse. Elle manifeste son nouveau rang social par une salle de réception réalisée dans le style gothique à la mode : décor sculpté des fenêtres provenant du chantier de la cathédrale de Carcassonne ; plafond peint mêlant influences françaises et hispaniques. La partie actuellement visible du décor peint montre des motifs géométriques et des animaux fantastiques alternant avec des cavaliers en armes. Le décor héraldique, réalisé vers 1278-1279 peut-être par un atelier carcassonnais, traduit la situation politique et sociale. Il évoque la guerre gagnée en 1277 par la France sur la Castille pour la Navarre. Sont ainsi représentés des souverains impliqués dans le conflit, des barons de la sénéchaussée de Carcassonne et des membres de la famille Mage probablement mobilisés dans cette guerre. Ce décor est un témoignage exceptionnel sur les maisons patriciennes de la fin du XIIIe siècle et le dynamisme d’une ville en pleine expansion.
[5] L’histoire du couvent des Augustins de Limoux est encore mal connue. Cet article fait le point sur les recherches entreprises autour de deux évènements précis : dans une première partie, il sera question de la période d’installation des Ermites de Saint Augustin à Limoux au tout début du XIVe siècle puis de leur déménagement intra-muros après le passage du Prince Noir en 1355. On y explore aussi le soutien apporté à cette communauté au tournant du XVe siècle par deux de ses ancien profès devenus de grands officiers de l’Eglise au temps du Grand Schisme, Pierre Amiel de Brénac, évêque de Sinigaglia et patriarche d’Alexandrie, proche des papes Urbain V, Grégoire XI et Boniface IX, et Pierre Assalit, ancien évêque d’Alet et proche des papes Martin V et Eugène IV. La seconde partie est consacrée à l’analyse du retable du maître autel qui se dresse encore dans le choeur de l’ancienne église du couvent. Unique par la qualité remarquable de ses sculptures mais aussi par la culture religieuse et artistique dont il témoigne, cet ensemble, proche de celui conçu pour les Grands Augustins de Toulouse, se place parmi les oeuvres majeures de la production artistique languedocienne du XVIIIe siècle.
[6] Cette étude s’attache à démontrer l’importance patrimoniale et historique du plafond peint découvert en 2007 dans la bastide Saint-Louis de Carcassonne au 19, rue de Verdun. L’ensemble des 75 images peintes sur les closoirs de la charpente datant de la fin du XVe siècle est en effet unique : un programme héraldique complexe est soutenu par une forte iconographie sacrée, ce qui est un fait rare dans les images domestiques présentes en grand nombre dans le Languedoc. Cela pose la question du sens à donner à cette iconographie mais également du propriétaire à l’origine de ce décor ainsi que de la fonction de la bâtisse au XVe siècle, ce à quoi s’attache cette étude.
[7] La confrérie Sainte-Croix des tondeurs de draps de Narbonne n’est connue qu’à travers le texte de ses statuts, parchemin inédit datant de 1508, rédigé moitié en latin et moitié en français et conservé aux Archives municipales de Narbonne. A travers ce riche document, il est toutefois possible d’entrevoir le fonctionnement de cette confrérie professionnelle à l’aube du XVIe siècle. On y glane également des renseignements sur l’organisation du corps de métier, ou de la corporation, de ces travailleurs du textile, largement épaulé par la structure confraternelle dans les domaines de la dévotion et de l’assistance ; et au-delà sur l’artisanat narbonnais à cette époque. Peu étudiées et ayant laissé peu d’archives, les confréries professionnelles du Moyen Age et de l’Epoque moderne furent pourtant fort nombreuses et constituaient des rouages essentiels des rapports sociaux au sein des populations urbaines et rurales du Languedoc.
[8] Villemartin est un vaste domaine agricole situé sur la commune de Gaja-et-Villedieu, près de Limoux. Le château, perché, domine la plaine et fait face au village. Son histoire reste incomplète jusqu’au Moyen Age. La première mention de « Villammartini » date d’avril 1234. Il figure dans l’assignat de Lambert et Simon de Thurey, fils de Lambert de Limoux, au sénéchal de Carcassonne. Il est cédé à la famille de Lévis, puis la famille de Textoris le rachète au XVe siècle. L’alliance entre Jeanne de Textoris et Pons IV de Casteras donnera naissance à la lignée des « de Casteras de Villemartin », propriétaires jusqu’au XIXe siècle. Louis Espardellier rachète alors le domaine. Sa fille Marie l’apporte en dot lors de son mariage en 1826 avec Alexandre Guiraud. Ce dernier entreprend de grands travaux, transforme la maison de maître et les jardins. Il rachète les pierres du cloître démonté des Grands Carmes de Perpignan, les fait transporter à Villemartin, et s’attache pendant plusieurs années à redonner vie à cet ensemble gothique du XIVe siècle. Les colonnes, simples et élancées, sont réalisées dans quatre marbres de couleurs différentes. Elles soutiennent des chapiteaux, aux motifs variés de grande qualité, encadrant un trèfle mauresque intérieur à ogives. Cet ensemble architectural est aujourd’hui classé Monument historique.
[9] Entre la fin du XXe siècle et le début du XXIe, le Lauragais a connu d’importants changements dans le domaine industriel, avec la disparition de son industrie textile et la concentration, sous diverses formes, de ses activités traditionnelles, basées sur ses productions agricoles et sur des ressources naturelles. Ces transformations, dues à divers facteurs, en ont fait la région la plus active du département pour le secteur secondaire.
[10] Ce travail, de recherche d’histoire sociale, permet avec l’exemple du domaine de Celeyran, à Salles-d’Aude, de voir comment une seigneurie devient après la tourmente révolutionnaire, un grand domaine agricole moderne. Une première partie est consacrée aux détenteurs de la terre, également acteurs des changements, induits par l’évolution de la société. La seconde partie décrit le passage d’une agriculture agro-pastorale traditionnelle, avec ses archaïsmes, vers l’exploitation viticole, modèle du type dominant à la fin du XIXe siècle en Narbonnais.
[11] De 1851 à 1880, l’église des Anciens Carmes, racheté par les Carmes Déchaux va se parer d’une éclatante iconographie carmélitaine et utiliser les artistes travaillant avec Viollet-le-Duc à la basilique Saint-Nazaire, pour la conception et mise en place des autels, statues et peintures. Le Père Hermann Cohen avant son départ à Londres, surveilla chaque détail de la décoration intérieure de l’église.
[12] Le maquis de Villebazy, de l’Armée secrète, Corps-Franc Lorraine, est créé le 1er mars
1944. Il s’installe dans une maison forestière à Coumemazières. Ce domaine a des atouts
certains : à proximité de la route Carcassonne-Limoux-Quillan, il est près de la ferme
de Cantauque (commune de Villebazy), point de parachutage, mais également proche
des guérilleros espagnols de Greffeil et de Villardebelle. Ce groupe de maquisards est
structuré, armé et commandé par Antonin Arnaud, alias « Jacques ». L’effectif varie de
15 hommes en avril, à 105 hommes en août. Le 3 juin, il est homologué comme unité
combattante. Ces réfractaires n’auraient pas pu survivre sans l’aide des habitants de
Villebazy. Honoré Désarnaud était leur agent de liaison. Ils sont à l’origine de nombreuses
réquisitions et organisent des attaques contre l’armée allemande et contre les collaborateurs.
Ils aident la population (distribution de farine, pétrissage du pain…). Les Allemands
recherchent ces hommes. Fernand Rocalve, boulanger à Ladern, mourra sous la torture
sans avouer. Un maquisard, arrêté et interrogé, donnera l’emplacement du maquis. Les
soldats allemands détruisent la maison forestière, mettent le feu aux bois alentours, pillent
le village de Villebazy. Ils n’y mettront finalement pas le feu. Les maquisards réussissent
à s’échapper, pour mieux reformer leur groupe de combat à la ferme du Bessou, dans la
Malepère.
[13] De 1869 à 1871, les électeurs de Pieusse, c’est à dire les hommes de plus de 21 ans, ont pu voter sept fois en trois ans : les 23 et 24 mai 1869, eut lieu l’élection au corps législatif ; elle fut remportée par Isaac Pereire. Cette élection ayant été invalidée, il y eut une nouvelle consultation, les 6 et 7 février 1870, qui se solda par la victoire de l’adversaire de Pereire, Léonce de Guiraud. Le 8 mai 1870, un plébiscite demandait l’approbation des modifications constitutionnelles voulues par Napoléon III. Le oui l’emporta. Enfin, le 7 Août 1870, eurent lieu des élections municipales, alors que la guerre avait été déjà déclarée à la Prusse par le gouvernement français. Cette guerre fut un désastre et Napoléon III fut fait prisonnier. Le 4 septembre, les Républicains parisiens proclament la déchéance de l’Empire et forment un gouvernement de défense nationale qui entend poursuivre la guerre pour libérer le pays envahi. Mais, le 28 janvier, le gouvernement conclut un armistice avec l’Empire allemand qui vient d’être proclamé à Versailles, le 18 janvier 1871, le roi de Prusse devenant l’empereur Guillaume Ier. Des élections ont donc lieu tout de suite après, le 8 février 1871, pour constituer une assemblée qui doit désigner un nouveau gouvernement, chargé de négocier et de conclure la paix avec l’Allemagne. Dans l’Aude, six députés monarchistes sont élus (Buisson, de Guiraud, de Tréville, Lambert de Sainte Croix, Mathieu de la Redorte et Thiers). Les élections municipales du 30 avril 1871, qui ont lieu pendant l’affrontement entre la Commune de Paris et le gouvernement établi à Versailles, ont d’ailleurs mis en évidence les divisions des Républicains.
Toutes ces élections ont été un échec pour les Républicains. Mais l’un des six députés élus le 8 février, Adolphe Thiers, le fut aussi dans d’autres départements, car les candidatures multiples étaient autorisées (elles furent interdites par la loi du 17 juillet 1889). Il fallut donc procéder à une élection partielle, car Thiers avait choisi de représenter la Seine et non l’Aude. Cette élection du 2 juillet 1871 vit le succès du candidat républicain, Fortuné Labatut Brousses, habitant de Pieusse. Il fut donc le premier candidat républicain élu dans l’Aude sous la Troisième République. Comment expliquer cet apparent paradoxe, c’est à dire l’élection d’un candidat républicain issu d’une circonscription où les Républicains avaient été les plus faibles et où ils n’avaient même pas présenté de candidat en 1869 ? Et pourquoi cet événement, point de départ de la conquête du département de l’Aude par les Républicains, est-il, la plupart du temps, ignoré ? La réponse est dans l’analyse des divers scrutins et la connaissance de la personnalité des divers protagonistes.