Sortie aux Ilhes du 18 janvier 2015

Les Ilhes est un village du Haut-Cabardès situé
dans la vallée de l’Orbiel, sur le versant méridional
de la Montagne Noire.

Nous y avons exploré des amas rocheux situés
sur une crête au nord du village, entre 270 et 310
mètres d’altitude. On y accède par un sentier de
randonnée balisé qui rejoint Fournes-Cabardès.
L’intérêt de la visite se fonde sur la complexité
géologique du site et sur la morphologie chaotique
des affleurements qui recèlent une flore
lichénologique acidiphile liée à la présence de
sulfures de fer (lichens sidérophiles).

Fig. 1. Schistes feuilletés dans l’unité du Roc Suzadou.

Notions de géologie

Au nord des Ilhes, trois unités géologiques se
succèdent sur quelques centaines de mètres ; elles
se diversifient par la nature de la roche, le pH et le
degré de métamorphisme. Ce dernier augmente
avec l’ancienneté des formations, en remontant la
vallée vers le pic de Nore et le plateau des Martys.
La présence de failles complique l’interprétation
géologique d’un secteur déjà très complexe.
Le village repose sur les Nappes du Minervois
dont les calcaires du Dévonien sont visibles le long
du ruisseau et dans la première partie du sentier.
À 200 mètres des Ilhes, à hauteur d’une croix en
pierre (point de départ de la prospection), on
atteint l’Unité de Roc-Suzadou (Ordovicien sup. -
Silurien) dont les schistes pélitiques dominants
admettent des inclusions de conglomérats et de
quartzites. Les lichens décrits dans notre compte
rendu sont associés à cette formation.
Un peu plus au nord on pénètre dans les
schistes de l’Unité de Saint-Pons (Cambrien -
Ordovicien) qui forment, avec les granites et les
gneiss, la zone axiale de la Montagne Noire.
La proximité avec les granites et
l’hydrothermalisme sont à l’origine des gîtes
minéraux qui ont fait l’objet de nombreux sondages
et d’exploitations minières : argent, or, manganèse,
arsenic, cuivre, fer. Les minéralisations associées
sont diversifiées : sulfures de fer (marcassite,
mispickel, pyrite, pyrrhotite), sulfures de plomb
(galène), sulfures de zinc (blende), oxydes de fer
(hématite). Dans l’Unité de Roc-Suzadou, on
observe des parois recouvertes d’une patine brun
rougeâtre à noirâtre, conséquence de l’altération
des minéralisations riches en fer.

Milieu et végétation

Les ruisseaux du Haut-Cabardès occupent des
vallées encaissées aux contreforts parfois
spectaculaires.

Fig. 2 : L’Orpin hérissé (Sedum hirsutum) sur une paroi schisteuse recouverte de lichens.

D’anciennes terrasses de culture
(principalement des oliveraies) délimitées par des
murs en pierre sèche segmentent les pentes audessus
des Ilhes. La déprise agricole a favorisé
l’installation de la lande et d’un bois clairsemé
dominé par le Chêne vert et le Chêne pubescent.
La flore associée se caractérise par des espèces
thermophiles profitant de la situation abritée et de
l’exposition méridionale. Parmi celles-ci on
remarque le Pistachier térébinthe (Pistacia
terebinthus
), le Jasmin ligneux (Jasminum fruticans),
la Garance voyageuse (Rubia peregrina), la
Clématite flammette (Clematis flammula), la
Coronille de Valence (Coronilla valentina),
l’Euphorbe des garrigues (Euphorbia characias), le
Ciste cotonneux (Cistus albidus), le Cade (Juniperus
oxycedrus
) et le Brachypode rameux
(Brachypodium retusum).

Les espèces acidiphiles sont favorisées par le
substrat schisteux : Teucrium scorodonia, Genista
pilosa, Mespilus germanica, Erica arborea
 ; cette
dernière forme des landes assez denses sur les
anciennes terrasses en phase d’embroussaillement
avec d’autres ligneuses arbustives : Genêt d’Espagne
(Spartium junceum), Genêt à balais (Cytisus
scoparius
), Nerprun alaterne (Rhamnus alaternus),
Viorne tin (Viburnum tinus), Buis (Buxus
sempervirens
), Églantier (Rosa canina).
Sur la roche bien exposée on observe Plantago
holosteum, Lavandula stoechas, Sedum hirsutum
et
Polypodium sp.

L’Asarine couchée (Asarina procumbens) est
une plantaginacée qui se niche dans les cavités des
parois. Elle côtoie le Nombril de Vénus (Umbilicus
rupestris
), le Cétérach officinal (Asplenium
ceterach
), la Capillaire des murailles (Asplenium
trichomanes
) l’Orpin des murailles (Sedum
dasyphyllum
).

Sur les pierriers et les débris on observe encore
Sedum album, S. sediforme, Reichardia picroides,
Asparagus acutifolius, Ruscus aculeatus,
Anarrhinum bellidifolium, Leucanthemum
monspeliensis, Senecio inaequidens, Sanguisorba
minor
.

Térébinthes, figuiers, églantiers, azeroliers
forment les haies qui bordent le sentier le long
duquel on peut noter les feuilles d’une grande
apiacée, le Maceron (Smyrnium olusatrum).

DESCRIPTIF

LICHENS SAXICOLES ACIDIPHILES

Sur les dalles sommitales bien exposées

Leurs thalles, à tonalités claires, sont très étalés.

  • Aspicilia gr. intermutans : K+ jaune devenant
    rouge sang, P+ orange. Thalle gris pâle et
    hypothalle noir.
  • Diploschistes scruposus : K± jaune, médulle C+
    rouge. Thalle épais, gris clair (à nuances rosse ou
    jaunes à l’ombre). Apothécies à disque foncé et
    pruineux.
  • Porpidia gr. cinereoatra : R-. Thalle gris
    blanchâtre, craquelé. Apothécies noires,
    pruineuses, d’abord planes et enfoncées dans le
    thalle, puis convexes.
Pour approfondir : Lecidea ou Porpidia ?
L’ancien genre Lecidea a été divisé en plus de 15
genres (Clauzadea, Fuscidea, Lecidella, Porpidia,
Trapelia
, etc.) qui se différencient au microscope
par la réaction à l’iode des tholus (partie
supérieure des asques). L’identification précise
des espèces du genre Porpidia ou Lecidea
demande, entre autres, des analyses chimiques
poussées.
Toutefois, on peut séparer certaines espèces
types à partir des réactions chimiques du thalle (P,
C, K, KC). Par exemple, le groupe de P. cinereoatra
est C- tandis que le groupe de L. fuscoatra est C+
rouge.
Dans le genre Lecidea la réaction de la médulle
à l’iode est soit I-, soit I+ (violet) tandis que chez
les Porpidia la réaction I+ (violet) est rare (P.
speirea
).
Les couleurs des différentes parties de
l’apothécie (de l’excipulum, de l’hypothecium et
de l’epithecium, sous le microscope, en couche
très fine) sont aussi très importantes pour la
détermination.

Sur les parois plus ou moins exposées

  • Pertusaria amara KC+ violet, P± rouge. Thalle
    zoné à la périphérie, goût amer.
  • Parmelina tiliacea : médulle C+ rosé vif, KC+
    rouge. Thalle foliacé gris bleuté. Isidies brunes au
    centre (effet poudre de cacao), globuleuses ou
    ramifiées. Espèce plutôt corticole, qui peut former
    de vastes plaques sur les troncs principaux.
    Le genre Xanthoparmelia est très répandu sur
    presque toutes les surfaces avec des thalles
    foliacés à lobes bien découpés. Trois espèces
    possèdent un thalle gris ou vert métallique et deux
    sont marron foncé :
  • X. conspersa : médulle K+ jaune, P+ orange.
    Thalle gris vert métallique. Isidies allongées ou
    coralloïdes pouvant former des amas épais
    couvrant toute la surface. Apothécies parfois
    abondantes, de grande taille.
Fig. 3 : Xantoparmelia tinctina, réaction K+ rouge de la médulle et isidies globuleuses.
  • X. tinctina : médulle K+ rouge, P+ orange. Thalle
    gris vert métallique. Isidies globuleuses (comme
    des billes). Cette espèce semble affectionner
    surtout les plaques tombées au sol.
  • X. stenophylla : médulle K+ jaune puis rouge.
    Thalle gris métallique. Lobes très découpés se
    chevauchant. Présence d’apothécies et de pycnides
    en forme de points noirs. Espèce localement assez
    abondante.
  • X. pulla : N+ bleu foncé, médulle C± et KC± rose
    rougeâtre. Thalle brun foncé à lobes verruqueux.
    Apothécies abondantes, Ø 2-7 mm. Espèce
    localisée, probablement affectée par la
    concurrence de ses congénères.
  • X. p. subsp. delisei : il forme de grands thalles (20
    cm de diamètre) sur les dalles situées près du sol. Il
    s’identifie par la réaction KC+ rouge de la médulle
    et le thalle plus clair.
  • X. loxodes : médulle C ± rouge, N± bleu foncé
    verdâtre. Thalle brun à lobes centraux un peu
    ridés. Isidies coralloïdes en bouquet. Espèce peu
    fréquente et peu isidiée.
  • X. verruculifera : R-. Thalle marron, ridé, avec de
    nombreuses apothécies concolores. Espèce proche
    de X. loxodes dont elle diffère principalement par
    les lobes plus réduits (1-2 mm de large), les isidies
    regroupées en paquets et l’absence de réaction à
    KC (parfois KC+ rose).
  • Caloplaca crenularia qui se fait remarquer par de
    petites apothécies rouges est localement rare.
    Cette espèce possède plusieurs variétés.

Parois ombragées

Les roches ombragées peuvent abriter des
espèces montagnardes qui descendent à une
altitude inférieure grâce à l’humidité
atmosphérique et à la nébulosité persistante.

  • Pertusaria rupicola : K+ jaune, la réaction C+
    orangé n’est pas confirmée par l’ensemble de la
    littérature. Les échantillons récoltés donnent C-. Le
    thalle crustacé assez épais est jaunâtre.
    Ce lichen possède une forme stérile couverte
    d’isidies et une fertile avec des verrues contenant
    des apothécies à disque noir ± visibles. Aux Ilhes
    les isidies ne sont pas toujours présentes et les
    apothécies sont localisées sur quelques thalles. Il
    peut recouvrir de vastes surfaces ombragées.
  • Fuscidea kochiana ou cyathoides ? : les thalles
    clairs délimités par un hypothalle noir forment des
    mosaïques. Cette détermination n’est pas
    confirmée à cause de l’absence d’apothécies.
  • Diploschistes muscorum : il colonise les mousses
    et diffère de D. scruposus par son thalle plus épais,
    à reflets gris bleuté et par la forme des
    apothécies. Il s’agit d’une espèce parasite qui peut
    s’installer, pendant son développement, sur
    d’autres lichens.
  • Rhizocarpon richardii ? : thalle gris fendillé
    aréolé. Hypothalle noir bien marqué. Apothécies à
    disque noir aplati. Lichen assez rare identifiable par
    ses spores brunes devenant murales ou
    submurales. L’exemplaire mériterait d’être vérifié.
  • Porpidia melinodes ? : thalle orange entouré par
    un hypothalle noir. Apothécies noires devenant
    des amas convexes et nombreuses taches noires
    (sorédies). L’espèce mériterait d’être vérifiée.

Des sujets particuliers

  • Anaptychia runcinata : espèce foliacée formant
    de grandes rosettes (10-15 cm de diamètre) peu
    adhérentes au substrat, dont la partie centrale
    tend à se détacher.
    Les lobes plats, très découpés, d’aspect
    sinueux, sont brun rougeâtre à l’état sec et très
    verdissants après hydratation. Par temps humide il
    peut être confondu avec une hépatique.
    Ses apothécies à disque noir sont assez rares
    sauf sur le littoral atlantique qui compte des sujets
    occupant les roches en milieu aérohalin.

Dans l’Aude, cette espèce est signalée sur les
escarpements des pélites schisteuses de Laroque-de-Fa.
En France le genre Anaptychia compte 6
taxons presque tous rares, parmi lesquels
Anaptychia ciliaris est l’espèce la plus courante.

  • Pleopsidium flavum : sur les parois abritées à
    exposition septentrionale et nord orientale d’un
    rocher isolé, on trouve des rosettes jaune vif qui se
    détachent nettement sur le substrat sombre. Elles
    sont toutes stériles et de petite taille. Un seul
    exemplaire, qu’on atteint après une brève
    escalade, mesure une dizaine de centimètres.
    Il s’agit d’un lichen crustacé entouré de lobes
    périphériques à surface finement rugueuse qui
    occupe les roches silicatées plus ou moins riches en
    fer. Il est répandu de l’étage supraméditerranéen
    au montagnard, devenant plus abondant de l’étage
    subalpin au nival, favorisé par le climat humide et
    la présence de brouillards.
    Sur les parois verticales au sommet de Monte
    Cinto (Corse), à 2700 mètres d’altitude, cette
    espèce forme des traînées jaunes d’une dizaine de
    mètres.
    On différencie ce taxon de Pleopsidium
    chlorophanum
    (beaucoup plus rare) pourvu
    d’apothécies à disque convexe et de lobes lisses. Le
    genre Pleopsidium peut être confondu avec des
    Acarospora jaunes mais ces dernières sont plus
    généralement plus thermophiles et possèdent des
    apothécies punctiformes enfoncées dans le thalle.
Fig.4 : Anaptychia runcinata, thalle sec (brun rouge) et humide (vert).
Fig. 5 : Espèces crustacées très proches à thalle jaune vif.
  • Ramalina breviuscula : R-. Espèce variable en
    touffes hémisphériques compactes (1-3 cm de
    haut) formées par de courtes lanières à médulle
    pleine. Il en existe deux formes : une pourvue
    d’apothécies presque terminales et une deuxième
    à fructifications rares. Espèce saxicole acidiphile
    ressemblant à R. fastigiata qui possède des
    lanières généralement plus longues et la médulle
    creuse. Photophile et halotolérante, diffuse à partir
    de l’étage adlittoral jusqu’au mésoméditerranéen.
    Ce lichen forme des peuplements denses sur la
    partie inférieure du piton rocheux occupé par
    Pleopsidium. Il s’agit de schistes feuilletés très
    friables montrant une forte concentration en
    espèces lichéniques.
  • Cladonia macilenta : K+ jaune, P+ jaune orangé
    (chimiquement variable selon les auteurs
    espagnols). Podétions graciles (comme le nom
    l’indique), granuleux, devenant squamuleux vers la
    base et s’amenuisant à l’extrémité. Espèce pourvue
    d’apothécies rouges.
    Sur une petite paroi subverticale bien exposée
    au soleil, elle forme de nombreux podétions (1 cm
    de haut) tordus et glauques. Les réactions
    chimiques et la découverte de quelques
    minuscules apothécies rouges suggèrent C.
    macilenta. D’ailleurs, les espèces
    morphologiquement proches possèdent des
    apothécies marron et des réactions différentes : C.
    glauca
    est R-, C. subulata est P+ rouge et C. rei est
    P± rouge. L’observation de podetia à extrémité
    évasée et fructifications brunes laisse penser que
    plusieurs espèces comme Cladonia coniocraea
    seraient mélangées.
  • Pertusaria mammosa : médulle et soralies
    légèrement K+ jaune brunâtre, KC+ rouge
    brunâtre, P+ rouge. Thalle foncé ponctué de
    soralies claires. Espèce méditerranéenne venant
    sur les parois verticales. Aux Ilhes, quelques
    exemplaires sont visibles sur la roche moussue en
    situation assez exposée.

Les zones ombragées des schistes feuilletés

présentent un mélange de thalles très
enchevêtrés :

  • Lecanora rupicola : thalle gris cendre à
    blanchâtre. Un exemplaire semble avoir des
    apothécies noircies. Il s’agirait d’un lichen parasite
    (comme Arthonia varians) ou d’un processus de
    régénération de vieilles apothécies.
  • Lecanora gangaleoides : K+ jaune, P± jaune.
    Thalle gris blanchâtre et apothécies à disque noir.
    L’hyménium vert olive permet de la distinguer de
    Tephromela atra à hyménium pourpre.
  • Protoparmelia montagnei : C± rouge, KC±
    rougeâtre (trois chémotypes). Thalle variable de
    brun grisâtre à brun olive avec hypothalle foncé. Il
    s’agit d’une espèce parasite d’autres lichens
    présentant différents morphotypes.
  • Umbilicaria sp. : un seul exemplaire de petite
    taille.
  • Pertusaria amara var. flotowiana : KC+ violet, P±
    rouge. Thalle non zoné à la périphérie, à goût
    fortement amer.

Parmi les lichens formant des traînées dans les
interstices de la roche
on observe :

  • Candelariella vitellina : thalle granuleux et
    apothécies jaunes. Espèce diffuse presque partout.
  • Acarospora sp.  : R-. Thalle stérile de couleur
    marron foncé, verdissant à l’eau (A. versicolor ?).
  • Des amas granuleux gris verdâtre rappellent
    Tephromela grumosa ou Trapeliopsis granulosa.
    Les apothécies à disque noir sont peu fréquentes.
    Les spores aciculaires (ou conidiospores ?)
    mesurent 13-15 x 1,5 μm. Il s’agit probablement de
    thalles parasités appartenant à Tephromela atra.
    Sur le même support on remarque aussi
    Lecanora polytropa, Buellia, Rhizocarpon
    geographicum, Pertusaria.

Les lichens sidérophiles

Les sulfures de fer contenus dans la roche
schisteuse favorisent des associations de lichens
sidérophiles dont les thalles prennent des tonalités
rouille.
L’Acarosporetum sinopicae et le Lecanoretum
epanorae
sont deux associations de l’Acarosporion
sinopicae
, alliance déjà étudiée en Allemagne,
Scandinavie et Grande-Bretagne. La première
affectionne les surfaces horizontales ensoleillées
tandis que la seconde tend à occuper les parois
abritées de la pluie. Les espèces les plus
représentatives appartiennent aux genres
Rhizocarpon, Lecanora et surtout Porpidia et
Lecidea.

  • Acarospora sinopica : R-. Le thalle est rouille et
    constitué de squamules contiguës à surface
    convexe. Apothécies punctiformes, 2-5 par aréole.
    Dans le genre Acarospora on peut compter jusqu’à
    200 spores par asque.
Pour approfondir : quelques taxons à thalle
rouille ou rougissant en présence de fer dans le
substrat
Acarospora sinopica Toujours rouge
Bellemerea diamarta Toujours rouge
Lecidea lithophila Gris tacheté de rouge
Lecidea silacea Jaune brun à rouille
Porpidia cinereoatra Blanc à gris
Porpidia crustulata Crème à gris pâle, peu visible
Porpidia macrocarpa Gris pâle à gris verdâtre
Rhizocarpon lavatum Gris pâle à ocre vif
Rhizocarpon oederi Toujours rouge
Tremolecia atrata Rouge, parfois noir

Aux Ilhes, ce lichen de l’étage montagnard et alpin profite d’une paroi minéralisée à exposition
septentrionale.

  • Lecanora soralifera : KC+ jaune. Thalle formé par
    des squamules dispersées (ou des aréoles
    convexes) de couleur jaune verdâtre pâle. Des
    soralies sortent d’une fente située au sommet des
    aréoles (en forme de dôme de 0,5 mm de
    diamètre). L. handelii est proche mais les sorédies
    se manifestent à partir de la périphérie des
    aréoles.
    L. soralifera recouvre les petites écailles de
    schiste tombées au sol (effet de grains de riz
    microscopiques sur fond sombre) avec les thalles
    de Xanthoparmelia tinctina.
Fig 6 : Lecanora soralifera, évolution d’une aréole convexe avec production de sorédies à partir d’une fente centrale.

Les échantillons récoltés présentent des
apothécies à disque noir fixées sur les squamules.
Leurs spores uniseptées sont foncées devenant
claires avec l’âge (10 x 15-17 μm). Les loges sont
polygonales. Il s’agirait d’un lichen parasite qui
semble apparenté au genre Rinodina.

  • Lecanora polytropa : K+ jaune faible, KC+ jaune.
    Thalle formé par des aréoles dispersées ou plus
    rarement contiguës, de couleur vert jaune à vert
    gris. L’observation à la loupe montre des
    apothécies jaune ocre, beige clair ou vert
    translucide (jade). Ce lichen décore une paroi
    compacte de 1 m2 en mélange avec les thalles
    jaunes de Candelariella vitellina.
  • Porpidia macrocarpa : K+ jaune orange, P+ jaune
    faible, médulle I-. Thalles épais, rouge rouille, de 2
    cm de diamètre, mal délimités, crevassés, formant
    des aréoles convexes. Apothécies noires, plates
    devenant des masses convexes et informes (Ø 2
    mm), partiellement enfoncées dans les aréoles.
    Spores simples, par 8, 8-9 x 16-22 μm
    ellipsoïdales allongées à légèrement rhomboïdales.
    Deux ou trois sujets occupent une paroi
    subverticale exposée au soleil. La dimension des
    spores, la médulle I- et les donnés écologiques
    penchent pour cette espèce. La réaction K+ du
    thalle permet d’exclure P. flavocruenta.
Fig. 7 : Porpidia macrocarpa, apothécies noires et thalle craquelé
Fig. 8 : Spores de Porpidia macrocarpa.

À l’abri de la pluie… et des regards

Des thalles lépreux colonisent les
anfractuosités des amas rocheux et les cavités des
murs en pierre sèche, évitant l’exposition directe à
la pluie.

  • Psilolechia lucida : R-, thalle lépreux jaune vif à
    jaune vert fluo.
  • Leprocaulon microscopicum : R-. Lichen formé
    par un thalle primaire lépreux blanchâtre et des
    pseudopodétions granuleux (3-4 mm de hauteur)
    vert turquoise.
  • Lepraria neglecta : C+ rouge orangé, K± jaune, P+
    jaune. Thalle lépreux bien délimité, blanc à reflets
    bleutés. Il colonise les mousses qui s’installent dans
    les interstices abrités des plaques schisteuses qui
    se décollent des parois riches en fer.
  • Lepraria membranacea : C+ jaune, K+ jaune à
    orangé, P+ orange. Thalle lépreux très épais et
    jaunâtre délimité par des lobes périphériques. Les
    thalles confluents forment de vastes plaques dont
    l’aspect rappelle la cire d’abeille.
  • Une dernière espèce gris verdâtre recouvre la
    partie inférieure d’un mur en pierre sèche.
    L’absence de réactions chimiques renvoie à
    Lecanora compallens mais sa détermination reste
    à confirmer.

LICHENS CORTICOLES

Un arbre de Noël méditerranéen

Un exemplaire rabougri de Quercus ilex
poussant au milieu des roches était complètement
enrobé par des lichens fruticuleux et foliacés très
développés.
Lichens repérés : Evernia prunastri (avec des
sujets complètement blancs), Ramalina farinacea,
Pleurosticta acetabulum
(apothécies très grandes,
brun orangé sur thalle verdissant à l’eau),
Punctelia subrudecta (thalle gris, face inf. assez
claire, médulle K- et C+ rouge), Parmelia sulcata,
Melanelixia subaurifera, Usnea
sp., Flavoparmelia
caperata, Parmelia sulcata, Parmelina tiliacea

(vastes plaques isidiées sur le tronc principal),
Phlyctis argena (localisée à la base du tronc)
Chrysothrix candelaris (thalle farineux jaune fluo à
l’abri de la lumière).

Dans les cheveux d’Erica arborea

Plusieurs lichens foliacés s’accrochent à des
ramifications très fines : Pseudevernia furfuracea
(face inférieure noirâtre et isidies), Evernia
prunastri, Hypogymnia physodes
(médulle P+
rouge), probablement H. farinacea (médulle P-), H.
tubulosa, Punctelia borreri
(médulle K-, face inf.
foncée), Usnea sp., Parmelina quercina et
Parmelia sulcata.

Une discussion acharnée

L’analyse des ramifications mortes d’un
Pistachier térébinthe situé au sommet du
promontoire rocheux a permis d’identifier de
nombreuses espèces.
L’identification de l’essence ligneuse a mobilisé
nos ressources sylvicoles vu que les roches acides
semblent favoriser ces arbrisseaux normalement
calcicoles.

Lichens repérés : Evernia prunastri, Parmelia
sulcata, Parmelina quercina, Flavoparmelia
caperata, Punctelia jeckeri
(face inf. brun clair, C+
rouge), Melanohalea exasperata (thalle marron
avec apothécies verruqueuses), Melanohalea
exasperatula
(isidies spatulées), Physcia
adscendens, Physcia aipolia, Physcia stellaris

(apothécies non pruineuses, noires, thalle non
verdissant à l’eau).
De vastes secteurs de l’écorce étaient
recouverts par deux espèces de Lecanora bien
entremêlées : il s’agit probablement de L.
allophana
dont les apothécies présentent un
rebord un peu crénelé et de L. chlarotera à rebord
plus linéaire.
À cette liste, encore très incomplète, il faut
ajouter Ramalina fastigiata, R. fraxinea identifiées
sur un arbre vivant le long du sentier. Une dernière
Ramalina formant une touffe à lanières allongées
et canaliculées rappelle R. calicaris.
On citera enfin Teloschistes chrysophthalmus,
espèce thermophile et héliophile repérée sur une
branche secondaire de Rhamnus alaternus.

LICHENS TERRICOLES et MUSCICOLES

Parmi les mousses situées à l’ombre on repère
des touffes de Cladonia rangiformis, C. foliacea
(vicariante de C. f. var. endiviifolia sur terrain
acide) et Peltigera membranacea. Ce dernier
révèle les caractères suivants : face supérieure
tomenteuse non verdissante, face inférieure
blanche, veines saillantes, tomenteuses, brun clair,
rhizines claires, simples ou squarreuses (parfois
foncées).
En revanche, Cladonia chlorophaea et C.
fimbriata
occupaient les dépôts terreux dans les
cavités des murs.
C. squamosa var. subsquamosa : P+ rouge, K-.
Podétions dressés (2-3 cm de haut), très
squamuleux. Scyphes squamuleux déformés
(parfois peu perceptibles) portant des apothécies
marron rougeâtre bien visibles (2-3 mm).
Taxon colonisant les mousses qui recouvrent
les roches partiellement ombragées.
Cladonia phyllophora est K+ jaune et
normalement moins squamuleuse. Les caractères
des échantillons se situent au croisement des deux
taxons.

PARASITES

Des lichens dégradés
Certaines espèces foliacées telles que
Parmelina quercina sur Pistachier térébinthe et
Xanthoparmelia tinctina sur schiste étaient
« consommées » par un champignon rappelant
Illosporiopsis christiansenii. Les amas rose
(sclerotia) plus brillants et globuleux, occupant les
zones nécrosées du thalle, renvoient
probablement à Marchandiomyces corallinus =
Illosporopsis corallinum
.

Conclusions

Quatre stations sur roche acide ont fait l’objet
de prospections :

  • 1- Saint Salvayre (Alet-les-Bains), grès
    quartzitiques, 664 m.
  • 2- Pont de Lizoule (Montolieu), granite, 240 m.
  • 3- Château de Mas Cabardès, schistes
    métamorphisés de Saint-Pons, 270-310 m.
  • 4- Les Ilhes, schistes feuilletés et quartzites, 270-
    310 m.
    Il en résulte une flore lichénique très
    hétérogène dans laquelle les espèces dominantes
    qui caractérisent la station, varient chaque fois.

Remerciements

À Daniel Vizcaïno pour ses renseignements sur
la géologie dans un contexte lithologique très
complexe et à Serge Poumarat pour ses précieux
conseils aidant à la détermination des espèces.

Textes et illustrations : Enrico Cangini
Conseil et correction : Jean Sanègre

Fig. 9 : Marchandiomyces corallinus sur Parmelina quercina

.

Fig. 10 : Marchandiomyces corallinus sur Xanthoparmelia tinctina

GLOSSAIRE

Sidérophile : espèce adaptée à la présence dans le
substrat de fer ferreux (Fe++), la forme soluble du fer
qui s’oxyde en fer ferrique (Fe+++). L’accumulation dans
le thalle du fer issu de l’altération de la roche
détermine la coloration rouille typique des lichens
sidérophiles.
Tholus : terme latin qui signifie dôme ou coupole
désignant la forme du tissu apical des asques (cellules
qui contiennent les spores). La forme du tholus,
observée par le biais de la réaction à K/I, permet de
différencier certains genres (exemples d’asques : 1-
Lecidea, 2- Porpidia).

Plus une centaine de photos qui seront insérées bientôt.