Mines et métaux dans le Narbonnais

EXPLOITATION MINIÈRE ET PRODUCTION DES MÉTAUX DANS L’ARRIÈRE-PAYS NARBONNAIS DURANT L’ÂGE DU FER ET LA PÉRIODE ROMAINE (IVe siècle avant notre ère – Ve siècle de notre ère)

 [1]

L’arrière-pays narbonnais englobe deux massifs de
basse montagne, la Montagne Noire au nord et les
Corbières au sud, où les séries paléozoïques abritent
des minéralisations nombreuses, conférant à cette
région un potentiel minier de premier ordre au caractère
polymétallique marqué. Si les gisements ferrifères
dominent (chapeaux de fer, dépôts karstiques), les
gîtes de cuivre et de plomb sont bien représentés et
comprennent généralement des minerais argentifères
(cuivres gris et galène). La richesse en métaux de
ce territoire situé au cours de l’Antiquité à la croisée
d’axes économiques majeurs reliant les domaines
méditerranéen, atlantique, gaulois et ibérique, n’a pas
échappé aux Anciens. Les études archéologiques
engagées depuis les années 1970 ont révélé la présence
dans la Montagne Noire de l’un des plus importants
districts sidérurgiques du Monde Romain, et l’existence
dans les Corbières d’une phase d’exploitation antique
des gisements de fer, cuivre, plomb et argent, dont la
chronologie et l’impact économique restaient toutefois
à clarifier.

Le programme de prospection thématique mis en place
en 2009 dans le cadre d’une thèse en archéologie
préparée à l’université Toulouse II-Le Mirail vise à
poursuivre l’inventaire des sites d’exploitation antique
des gisements miniers de l’arrière-pays narbonnais,
préciser la chronologie de l’activité et les techniques
mises en oeuvre et enfin évaluer la nature et l’ampleur
de la production. Le but final est de cerner précisément
l’impact de la domination romaine sur l’exploitation
minière et la production des métaux de cette région,
dans les domaines technique, économique et socioculturel.

Cette année une recherche documentaire approfondie
et un premier travail de prospection ont permis de
distinguer trois zones où l’activité minière ancienne
est encore mal perçue, et quatre pôles miniers dans
lesquels se concentrent la plupart des aires de
traitement et sites miniers antiques connus à ce jour
dans l’arrière-pays narbonnais, district sidérurgique
de la Montagne Noire excepté.

Dans les secteurs de Maisons et Padern-Montgaillard
(Corbières centrales), minéralisés essentiellement en
cuivre, plomb et argent, l’activité minière paraît s’être
développée assez fortement dès la fin du IIe siècle
avant notre ère et jusqu’au tournant de l’ère, mettant à
profit les nombreux gisements de minerais non ferreux
présents dans ces zones via des travaux à ciel ouvert
et souterrains parfois de grande ampleur. Les ouvrages
connus actuellement n’atteignent cependant pas les
dimensions exceptionnelles de la mine des Barrencs,
située au coeur du pôle de Lastours (Montagne
Noire). Active aux IIe et Ier siècles av. n. è. et peutêtre
dès le début du second âge du Fer, cette mine
en roche ouverte sur des minéralisations filoniennes
à cuivres gris, galène et oxydes de fer est à ce jour
la principale de l’arrière-pays narbonnais, et l’une des
plus importantes du sud de la Gaule. Enfin, autour du
plateau de Lacamp (Corbières centrales), où affleurent
de nombreux dépôts d’oxydes et hydroxydes de fer,
les sept ateliers sidérurgiques antiques reconnus à ce
jour fonctionnent aux Ier siècle av. n. è. et Ier siècle de
n. è.

Dans les Corbières, d’autres zones de production
ancienne ont été identifiées dans les hautes vallées du
Torgan et de l’Orbieu (Massac, Montjoi, Auriac : fig 6)
et sur les flancs du Pech Cardou (Rennes-les-Bains,
Serres). Cependant, les sites d’exploitation recensés y
sont peu nombreux et/ou pas précisément datés.

Cette première année d’étude correspond à une phase
d’enquête préparatoire, qui a permis de reccueillir
des informations éclairant à la fois l’extension des
secteurs d’exploitation, la chronologie de l’activité et la
nature des minéralisations. De nombreuses questions
demeurent sans réponse. En particulier, aucun site
antique de traitement des minerais non-ferreux n’a été
clairement distingué à ce jour, malgré la présence de
zones d’extraction parfois très importantes (mine des
Barrencs, mine du Tistoulet...). Par ailleurs, les indices
d’une mise en valeur des ressources minières régionales
au second âge du Fer font totalement défaut, malgré
un contexte économique très favorable, marqué par
un essor important des échanges entre les sociétés
indigènes et le monde méditerranéen. Ce sont là deux
des points que nous souhaitons traiter en priorité
en 2010, dans le cadre de prospections pédestres
plus systématiques. Ces investigations seront
prolongées par l’étude approfondie de certains sites
(exploration, relevé topographique...), en particulier
les mine de l’Abeilla et de Peyrecouverte (Palairac),
du Tistoulet (Padern), de la Caunetta (Montgaillard)
et plus généralement les travaux miniers du pôle de
Lastours. Dans ce dernier secteur, comme en 2009,
la prospection thématique complètera l’opération
engagée à la mine des Barrencs par une équipe du
laboratoire TRACES (J.-M. Fabre, E. Kammenthaler, J.
Mantenant, G. Munteanu, C. Rico).

Julien MANTENANT
TRACES UMR 5608 UTM-CNRS


[1Notice extraite du Bilan Scientifique 2009 du Service Régional d’Archéologie de la Direction Régionale des Affaires Culturelles Languedoc-Roussillon